Apparue dans la pratique photographique comme le miroir reflétant la fascination pour la puissance de production et de développement, la thématique du paysage industriel fut l'un des sujets de prédilection de photographes privilégiant l'objectivité dans les années 1930. 

Germaine Krull, Albert Renger-Patzsch, Charles Sheeler et Walker Evans, pour ne citer qu'eux, en furent les principaux chantres, offrant à la forme industrielle brute, jusque-là méprisée, sa légitimité esthétique. 

Même si l’heure n’est plus à chanter les louanges de l’industrie, ni d’en faire un inventaire exhaustif façon Mission héliographique comme le firent Bernd et Hilla Becher, on retrouve néanmoins, dans les plus de 340 photos reflètent ce besoin de consigner, de témoigner, par la précision de l'image, de l'œuvre industrielle moderne. 

Classée SEVESO II « seuil haut », Grandpuits est l'un des deux sites exploités par GPN en France, puis par Boréalis, depuis l'abandon de l'usine AZF à la suite de l'explosion de septembre 2001.

Des tous premiers clichés montrant le terrain nu (1967) aux derniers où l'usine entre en fonction (1971), le photographe anonyme s'est appliqué à construire chronologiquement l'historiographie de Grandpuits : les premières structures, les incidents (déraillement d'un convoi ferroviaire), forages, mise en service des différentes unités, réparations, etc. rien n'a échappé à l’acuité de son regard. 

Des clichés privilégiant la vue d'ensemble - parfois aérienne -, jusqu'au focus en plan rapproché sur une des pièces de ce pudding industriel, les prises de vues, avec un soin particulier du cadrage, ne manquent pas de "rendre le charme magique de la matière". 

C'est que sans toutefois succomber complètement aux sirènes de la puissance industrielle, le photographe, et par la reproduction exacte de la forme, aura su donner, parfois, au cliché photographique techniquement réussi, ce qu'Albert Renger-Patzsch nommait "la magie du vécu".