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MRS
2025
Les Tops et les Flops du marché du livre ancien
Discret, le marché du livre ancien génère entre 200 à 300 millions d’euros de chiffre d'affaires par an, selon Jean-Marc Dechaud, le président du Syndicat national de la Librairie Ancienne et Moderne (SLAM).
Ce marché de niche, comme tout autre marché fluctue. Après une très bonne année 2022, les ventes publiques de l'année 2024 suivent la baisse déjà constatée pour 2023 (- 13%). Concernant l'année en cours, la guerre en Ukraine, l'instabilité gouvernementale en France, les volte-face de Donald Trump, la menace des droits de douane de tous côtés n'incitent guère à l'optimisme. Bref ces turpitudes génèrent beaucoup d'incertitudes quant à l'avenir.
Du coup, nous nous sommes dit que, pour que vous gardiez au moins l'esprit clair pour le marché du livre, et plus particulièrement celui de la littérature XIXe et XXe, nous vous proposerions une synthèse des ventes en France 2023/2024.
À l'exception de quelques ouvrages considérés comme extrêmement précieux et rares, le marché n'est majoritairement pas spéculatif, et ce malgré quelques ventes aux enchères très médiatisées comme le fut par exemple « De Gaulle, une succession pour l’Histoire » en décembre 2024 qui totalisa 5,6 millions d’euros d’adjudications, avec 100 % des lots vendus et 140 préemptions.
Trêve de bavardages, il est temps de sortir notre boule de cristal 🔮, même si ces prédictions n'engagent que nous
Les grandes éditions originales des icônes littéraires comme Arthur Rimbaud, Victor Hugo, Gustave Flaubert, Charles Baudelaire ou encore Marcel Proust gardent la cote. Les incunables (livres imprimés avant 1500), ouvrages médiévaux enrichis d’enluminures, les livres d’heures anciens, les livres coloriés de botanique ou d’histoire naturelle ou encore certaines cartes scientifiques séduisent davantage les collectionneurs.
Notre boule de cristal nous révèle que la part féminine parmi les livres recherchés ne cesse de croître, autrices, poétesses, illustratrices, sortent peu à peu de l'anonymat.
Les vertigineux
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Au palmarès des auteurs dont les prix n'arrêtent pas de flamber, nous retrouvons notamment Antoine de Saint- Exupéry et Marcel Proust. Le moindre gribouillage de l'aviateur ou trace manuscrite de notre Marcel national excitent tant les amateurs (ou spéculateurs) qu'ils sont prêts à débourser des sommes déraisonnables à quatre voire à cinq chiffres.
Nous ignorons si l'intérêt pour l'œuvre et la correspondance de Pierre Drieu la Rochelle est d'ordre littéraire, biographique ou purement idéologique. Ses manuscrits sont devenus rares, et semblent de plus en plus recherchés.
L'édition originale de L'étranger (1942, 4 400 ex.) d'Albert Camus tutoyant déjà la stratosphère (9 000 €) et les exemplaires d'A rebours (1884), même sur papier ordinaire, de Karl-Joris Hysmans devraient encore jouir d'un intérêt considérable.
Les mal aimés
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Est-ce le pessimisme qui émane de nombre de ses œuvres qui éloigne les collectionneurs (et les lecteurs) d'Alfred de Vigny ? Nous l'ignorons. Malgré une forte demande générale pour les lettres manuscrites et les poésies, les manuscrits et poèmes (en éditions originales) de Vigny peinent à trouver preneurs. Idem pour l'autre "Alfred" (de Musset), pour Prosper Mérimée, Alphonse et Léon Daudet. Suivent-ils le même désamours que les classiques du théâtre français du XVIIe (Molière, Racine, etc.) que nous constatons depuis une dizaine d'années ?
Longtemps recherchées, les reliures Art déco semblent nettement moins fasciner. Même constat pour les charmants petits volumes Elzevier.
Sauf exception (Schmied, Jouve, etc.), le livre illustré est loin d'atteindre les prix d'il y a quelques années. Si des illustrateurs de la veine des Hémard, Dubout et consorts semblent voués au purgatoire, il nous paraît dommageable qu'un Frantz Masereel, ou encore qu'un Frans de Geetere soient boudés du public.
Les raretés
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Dans le sillage de la demande croissante de poésie, nous ne sommes guère étonnés de voir monter l'étoile de Léon-Paul Fargue. Le style de ses poèmes à la fois tendre et malicieux nous séduit depuis longtemps.
Un écrivain et essayiste qui reste à découvrir est Auguste Gilbert de Voisins dont les documents personnels que l'on croyait détruits commencent à réapparaître lentement. Ce n'est pas le cas des lettres de Stephane Mallarmé dont la correspondance est publiée dès 1923. Toutefois, nous avons vu passer une lettre inédite à l'historien et écrivain Ernest Prarond, gageons qu'il en existe d'autres encore inconnues.
Petite rareté (bien connue), dont le prix de l'édition originale (1891) dépasse désormais la barre des 4 000 euros, est Le Tutu, roman de mœurs signé par une mystérieuse Princesse Sapho.
Les Hauts Potentiels
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Connue sous les pseudonymes de Léonard Pieu[x] et Roch Grey, l'extravagante baronne Hélène d’Oettingen est une poète et romancière à suivre. Ses ouvrages sont peu courants et ne manquent pas d'originalité.
Tout comme sont à suivre les livres dédicacés ou avec un envoi autographe qui avec le temps prendront certainement plus de valeur, et les livres de l'avant-garde est-européenne des années 1930 que nous voyons de plus en plus apparaître sur les catalogues de nos confrères(-sœurs).
Avec le décès en septembre 2024 de Monique Mathieu, grande dame de la reliure française, nous nous attendons à ce que les prix de ses reliures augmentent considérablement au cours des prochaines années.
Les amateurs du livre illustré sauront apprécier que des ouvrages illustrés de lithographies originales d'Henry de Groux n'obtiennent que des prix moyens, même s'ils sont rares.
Les pépites
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Nous ne révélons pas de secret en disant que les revues litteraires (La Parodie, La Revue moderniste, etc.) sont capitales pour notre métier. Nous sommes d'autant plus étonnés de voir que des séries complètes sont parfois proposées à des sommes dérisoires bien que tous les écrivains de l'époque y aient collaboré.
Autre genre de rêve, Le Hachych de François Lallemand (1843), exploration du monde des drogues à la fois poétique et analytique qu'on peut trouver pour un prix raisonnable de 700/800 euros.
Une vraie pépite aussi cet ensemble de 50 portraits d'écrivains exécutés à la pointe d'argent par Robert Lapoujade en 1949 pour la galerie Chardin. Dépecé depuis, les portraits accompagnés d'un texte autographe sont proposés à des prix compris entre 400 et 3 000 euros.
Un dernier mot
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Avec cette synthèse nous ne voulons inciter personne à réorienter sa collection. La valeur d'une collection ne se détermine pas uniquement en fonction des prix ! De nombreux autres facteurs comme une alternance harmonieuse entre des "grands" auteurs et des écrivains moins cotés jouent par exemple un rôle essentiel.
Monter une collection, c'est aussi de ne pas se préoccuper des tendances et préserver son goût à contre-courant des modes. Peu de livres dits « bibliophiliques » sont ordinaires. Certains sont rehaussés par une reliure signée ou une lithographie originale d'un artiste connu, d'autres portent une émouvante dédicace manuscrite ou un bel envoi autographe.
Librement inspiré par Simone de Beauvoir on pourrait dire : On ne naît pas livre bibliophilique, on le devient !
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